L’influence des britanniques sur l’aquarelle est indéniable comme le relève, par exemple, Armand Cassagne dans son Traité de l’aquarelle dans lequel il précise ainsi que la meilleure marque de feuille en papier est anglaise ! Cependant les écoles d’Etat n’ont pas particulièrement favorisé cette pratique qui était bien au contraire souvent jugée inférieure à la peinture à l’huile réputée plus complexe.
L’essor de l’aquarelle en Grande-Bretagne trouve son origine dans l’éducation britannique traditionnelle du XVIIIe siècle. Il était en effet courant pour les jeunes anglais, comme nous l’explique Gerald M. Ackerman dans son ouvrage Les orientalistes de l’école britannique publié en 1991 et disponible en grande partie sur Google Books, d’apprendre l’aquarelle et le dessin au même titre que l’anglais, la musique ou les sciences, et ce afin de devenir de jeunes nobles cultivés. Ce public de connaisseurs, parfaitement à même de comprendre les difficultés et caractéristiques de l’aquarelle par leur propres expériences, étaient donc équipé pour apprécier le travail des aquarellistes et estimer leur valeur. L’aquarelle, contrairement à ce qu’il semble être au premier abord, étant en effet une technique complexe et délicate qui nécessite de grandes connaissances techniques et beaucoup de maîtrise pour obtenir un résultat satisfaisant. De plus les aquarelles, souvent moins chères que les huiles sur toile et présentant des sujets plus distrayants que la Grande Peinture (peinture d’Histoire ou peinture religieuse), étaient très prisées de certains collectionneurs ce qui participa à l’essor de l’aquarelle en Grande-Bretagne puis dans le reste de l’Europe et à son importance croissante sur le marché de l’art.
Le Département des Arts Graphiques du Musée du Louvre présente une aquarelle d’Eugène Delacroix extraite de son Album d’Angleterre et nommée Vue de la campagne anglaise avec la Tamise, et le collège Greenwich (réalisée entre 1825 et 1827) accompagnée d’un article sur les relations artistiques entre la France et l’Angleterre entre le XVIIIe et XIXe siècle. C’est au début du XIXe siècle que les relations entre ces deux pays sont rétablies et les artistes voyagent de nouveau d’une rive à l’autre de la Manche, permettant la diffusion de l’aquarelle de l’Angleterre vers la France. L’exemple de Delacroix et de Richard-Parkes Bonington (1802-1828) semble particulièrement parlant. Bonington arrive en France en 1816 où il rencontre Delacroix et participe à son initiation à l’aquarelle. En 1825 c’est le romantique français qui se rendra en Angleterre. Les deux artistes continueront d’ailleurs à entretenir d’excellentes relations comme l’illustre le dossier de presse de l’exposition Delacroix et les compagnons de sa jeunesse qui s’était tenue au Musée National Eugène Delacroix (22 novembre 2007 au 26 février 2008). Ce dossier précise la qualité des relations entretenues entre les artistes français et les artistes britanniques à travers, par exemple, l’accueil chaleureux fait à Delacroix durant son séjour en Angleterre durant trois mois (mai-août 1825).
D’autre part, le voyage initiatique – Le Grand Tour – était une tradition importante dans la formation des jeunes gens britanniques. Il était de bon ton pour les jeunes anglais de se rendre dans plusieurs pays, en particulier en Europe, afin de découvrir le monde et de faire de nouvelles expériences. Les jeunes artistes profitaient de cette occasion pour découvrir l’art italien ou flamand. La base Joconde du musée du Louvre dédiée à l’art britannique dans les collections publiques françaises, en plus de présenter une collection d’œuvres d’art, propose de situer une des origines possible de ce goût pour la pratique de l’aquarelle de voyage à partir de l’enseignement du Révérend William Gilpin (1724-1804) basé sur le « Picturesque Tour » (sorte de promenade à la recherche de sujet d’aquarelle) et Alexander Cozens (1717-1786). En France, la tradition du voyage à Rome était d’ailleurs suffisamment bien ancrée dans la société et les institutions artistiques notamment avec les prix de Rome de l’École des Beaux-Arts. Certains artistes poussèrent cette envie de voyages plus loin et se rendirent en Afrique du nord ou au Moyen-Orient à la recherche de nouveaux sujets tel Delacroix , incités par la vague orientaliste envahissant l’Europe. William Turner, emblème du romantisme britannique, fut également voyageur.
En conclusion, le site du MET museum évoque dans un article en anglais l’évolution de l’aquarelle qui est passée d’un art mineur exploité par les topographes et les chercheurs à une véritable institution portée par des organisations comme The New Society of Painters in Water-Colours fondée en 1804 par William Frederick Wells et qui deviendra plus tard la Royal Watercolour Society. Au début, l’aquarelle était surtout reconnue pour sa facilité d’utilisation et bien évidemment son transport rendu aisé par la densité des pigments ne nécessitant que de très petits godets pour réaliser de nombreux travaux, son travail à l’eau, son séchage rapide et le peu de matériel nécessaire à son exécution. Elle était donc particulièrement utile aux hommes de terrains tel les topographes, les architectes ou encore les scientifiques qui réalisaient souvent de très belles études à l’aquarelle pour illustrer leurs travaux. Cependant le développement d’un marché de l’aquarelle et la création d’Institutions spécialisées lui permit d’acquérir définitivement ses lettres de noblesse. D’ailleurs certain grand artiste comme Thomas Girtin s’ingénièrent à faire de l’aquarelle une pratique noble rivalisant avec les meilleurs peintures à l’huile.
Nolwenn Besnard